OPINION RETRAITE DES POMPIERS

Reprendre, c’est voler

Mon père est pompier pour la Ville de Montréal depuis 26 ans. Il est éligible à la retraite et, jeudi soir dernier, il a eu deux heures pour décider s’il prenait sa retraite. Une retraite qu’il prépare tranquillement depuis deux décennies.

Il ne fait pas partie des pompiers qui ont démissionné en bloc. Il veut continuer d’exercer ce métier qu’il a voulu pratiquer depuis son enfance et qu’il a la chance de faire aujourd’hui.

Mais mesdames et messieurs les élus, laissez-moi vous expliquer pourquoi mon père reçoit et a droit à son salaire et aux prestations de retraite qui lui ont été promises.

Lorsque l’alarme sonne, mon père enfile un habit de plusieurs dizaines de livres. Il respire de la fumée. Il affronte des murs de feu à la chaleur insupportable. Mais j’imagine que vous le saviez déjà.

Ce dont vous n’avez peut-être pas conscience, c’est que dans une journée, mon père peut aussi être appelé à décrocher le corps de quelqu’un qui s’est pendu dans son placard. Il doit gérer des situations où les gens sont instables psychologiquement. Gérer des situations où les gens sont terriblement amochés physiquement.

Pendant ce temps, vous travaillez très fort sur des dossiers importants. Je ne dénigre en rien votre travail ici, au contraire. Mais lorsque vous prendrez votre retraite, vous ne serez pas abîmés physiquement et psychologiquement.

Moi, je peux vous dire d’emblée que mon père devra débourser pour obtenir des soins afin de guérir ses maux de dos lorsqu’il sera à la retraite. Et je souhaite de tout cœur qu’il n’ait pas à recevoir des soins à cause d’autres problèmes musculaires, ou alors des problèmes respiratoires, cardiaques et psychologiques.

Mon père travaille fort lorsqu’il est en service, mais il a travaillé fort pour ma famille aussi. Nous ne sommes pas dans la misère, mais j’ai souvent entendu la phrase suivante : « un jour, ce sera mon tour, en attendant, on travaille. »

Pendant ce temps, lorsque vous quittez vos fonctions, vous avez souvent des primes, en plus d’avoir de généreuses pensions. Je n’oublierai pas de sitôt les départs de MM. Tremblay et Applebaum, qui ne sont pas partis les mains vides et pourront sûrement avoir des retraites confortables.

MAUVAIS EXEMPLE

Je comprends que tout le monde doit faire sa part dans la société. Mais je comprends aussi que je ne comprends pas. Je ne comprends pas comment nos élus peuvent faire adopter des lois pour éviter de réparer leurs erreurs.

En tant que jeune citoyenne, si je prends exemple de vos actions, je vais remplir mes cartes de crédit, m’endetter, déclarer forfait et recommencer ce cercle vicieux quand cela me sera permis à nouveau. Dites-moi, pourquoi prendre mes responsabilités quand je peux trouver des alternatives pour éviter de le faire ?

Mais moi, mes parents m’ont appris que « donner, c’est donner. Reprendre, c’est voler ».

C’est vous qui avez promis ces fonds de pension, mesdames et messieurs les élus. Vous ne pouvez pas les reprendre à des gens qui planifient leur retraite depuis 26 ans ; c’est du vol.

Avoir su ce que vous prépariez, mes parents auraient pris d’autres dispositions, il y a de cela bien des années, pour planifier leur retraite. Tout citoyen se doit de prendre les mesures nécessaires pour assurer sa retraite. À vous, je vous dis : prenez vos responsabilités envers vos employés et vos citoyens.

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